- DIAPIRISME
- DIAPIRISMELa notion de pli diapir (de 嗀晴見神﨎晴福﨎晴益, percer) a été introduite en 1907 par L. Mrazec pour qualifier les plis à noyau perçant reconnus dès 1900 dans la zone subcarpatique méridionale. Par abréviation, les plis diapirs sont devenus les diapirs , et le phénomène tectonique correspondant le diapirisme . Mrazec utilisait ce terme pour tout style éjectif dysharmonique et affirmait que le diapirisme ne se manifeste que dans des régions plissées. L’évolution des sciences de la Terre et les renseignements fournis par des milliers de sondages ont fait dévier la signification du terme diapirisme. Une étape essentielle dans la connaissance de ce phénomène fut la démonstration, par des chercheurs américains, que des masses de roches salines peuvent se déplacer sans intervention de forces orogéniques. Dès lors, le diapirisme groupe deux familles de structures: les dômes de sels , qui se mettent en place en l’absence de contrainte orogénique, et les plis diapirs , où la contrainte de compression constitue l’élément moteur.De nombreux auteurs emploient le terme diapirisme dans un sens encore plus général pour décrire des intrusions variées: granites diapirs, pipes de kimberlites, diapirs de serpentines, diapirs de boues ou d’argiles (argilocinèse).Les dômes de selsL’hypothèse d’une ascension autonome des séries salines a été introduite par des auteurs français, qui ont parlé d’«éruptions» ou de «geysers» pour expliquer certaines structures décrites dès 1856. C’est ainsi que P. Choffat (1882) applique au Trias marno-gypseux du Portugal le terme «typhon», créé par A. Leymerie (1881) pour les ophites des Pyrénées. Dès 1867, F. Posepny envisage l’autoplasticité du sel gemme (halite) comme processus fondamental de la migration. S. Arrhenius (1912) fut le premier à proposer l’action prépondérante de la pesanteur dans le mouvement de masses plus légères que leur enveloppe. Cette dernière option fut rejetée par la plupart des géologues, en particulier par Mrazec. Mais, à partir de 1930, l’hypothèse d’Arrhenius fut reprise aux États-Unis après l’étude des dômes de la Gulf Coast, en particulier sous l’influence de D. C. Barton (1933). En Allemagne, il a fallu attendre les années soixante, avec les publications de F. Trusheim pour que les structures salines du Zechstein soient attribuées, sans contestation, à des phénomènes géostatiques et non plus à la «tectonique saxonienne» de H. Stille.Conditions de formationLes dômes proviennent, en général, de la migration de masses salines légères vers le haut à partir d’une série saline épaisse recouverte de sédiments plus denses: ils prennent naissance à partir d’une intumescence qui perce la couverture. Les processus qui sont responsables de cette migration et ceux qui résultent de la mise en place de ces structures originales ont été groupés par F. Trusheim sous le terme d’halocinèse .Les dômes typiques se rencontrent dans des séries sédimentaires très épaisses où il n’est pas possible de déceler l’influence de contraintes tangentielles de compression. Les forces qui interviennent sont donc, en général, les différences de pression dues à des colonnes sédimentaires d’épaisseur ou de constitution variables, mais des tensions locales peuvent favoriser le phénomène en augmentant la valeur de la pression différentielle. Pour qu’il y ait déplacement continu, il faut que les couches soient plastiques . Or, les sels, en monocristal ou en agglomérat polycristallin, sont normalement élastico-plastiques, c’est-à-dire qu’une contrainte déterminée provoque une déformation finie: il faut que la contrainte augmente pour que la déformation s’accentue (fig. 1). À l’air libre et à la température ordinaire, c’est seulement au-delà de 20 mégapascals que, pour la halite, une déformation continue de type purement plastique apparaît. Lorsque la contrainte est exercée dans un milieu sous pression plus forte, on observe un abaissement de la vitesse de déformation, en particulier aux températures élevées, mais l’effet de la température, qui augmente la vitesse de déformation, est beaucoup plus considérable: NaCl se comporte alors comme un solide plastique parfait vers 300 0C, sous une contrainte inférieure à 10 mégapascals. L’élévation de la pression et de la température peut provoquer également une recristallisation qui supprime la rigidité acquise par la déformation, ce qui a conduit H. Borchert à envisager la nécessité de déformations et de recristallisations successives pour expliquer la migration, dans le cas où la plasticité n’est pas atteinte.Un autre facteur essentiel est la présence de solutions interstitielles qui abaissent le seuil de plasticité. Le rapport solution/sel augmente, en général, avec la température, ce qui accroît le rôle de celle-ci. Qui plus est, le passage d’une paragenèse hydratée à une paragenèse sèche libère des solutions qui permettent une mobilisation facile des suspensions obtenues. H. C. Heard et W. W. Rubey (1966) ont ainsi montré que la transformation du gypse en anhydrite permet d’obtenir une mixture parfaitement plastique, à une température beaucoup plus basse que celle qui est requise pour la plasticité de NaCl: ainsi ne faut-il pas s’étonner que des diapirs de séries gypseuses soient aussi communs et d’origine moins profonde que les diapirs de sel gemme.Il semble donc que le diapirisme ne puisse prendre naissance que si les séries salines deviennent plastiques, soit par augmentation de la température, soit en présence de solutions abondantes, soit sous l’influence d’une contrainte très élevée. Dans tous les cas, la série surincombante doit être très épaisse .Lorsqu’une intumescence a pu se former, le processus est accéléré par l’intervention des forces de gravité, qui sont d’autant plus fortes que la différence de densité entre la masse mobile et son enveloppe est plus grande et que la hauteur du dôme est plus importante.Typologie et évolutionLes données de la sismique-réflexion et l’étude de près de 13 500 sondages ont permis à F. Trusheim d’établir une typologie des diapirs du Zechstein et de montrer les relations qui existent entre les caractéristiques du bassin et les divers types (fig. 2): les coussinets (salt-pillows ) se constituent sur les bordures, où la série saline est plus mince et où les sédiments de la couverture sont moins épais; les «murs» de sel caractérisent les zones les plus épaisses de la série saline et de la couverture. Mais, chronologiquement, des coussinets sont à l’origine des masses plus importantes et constituent ainsi le stade initial de l’évolution des structures diapires. Une pente légère du substratum favorise d’ailleurs la migration latérale initiale des sels vers le coussinet. Lorsque le volume de celui-ci est suffisant, les forces verticales de gravité déclenchent la migration vers le haut. La figure 3 schématise les formes d’un diapir à des stades divers de sa genèse: des dépressions périphériques se développent en se rapprochant prpgressivement du diapir, pendant que des pseudo-anticlinaux se forment à l’emplacement des sillons périphériques les plus anciens. La migration des séries salines s’inscrit ainsi dans la sédimentation régionale, et cette stratigraphie nuancée permet de reconstituer l’histoire du diapir.Les conditions requises ne sont certainement pas réalisées partout simultanément. La formation d’un diapir ou celle, plus fréquente, d’un alignement de diapirs ou d’un «mur», dans une zone favorable, crée des discontinuités dans la série saline et dans la couverture, par exemple par la formation du premier sillon périphérique, ce qui peut déclencher une seconde génération de formes diapiriques, et D. Sannemann (1968) a proposé le modèle de la figure 4 pour la genèse d’une famille de diapirs à partir d’un stock «maternel».La vitesse d’ascension a été estimée par de nombreux auteurs à des valeurs de l’ordre de 1 à 2 millimètres par an. Ces estimations ont été faites à partir d’observations portant sur les parties visibles des dômes et peuvent être erronées, dans la mesure où les possibilités de tassement des séries sédimentaires bordières n’ont pas été envisagées. Des couches datées, déformées au contact d’un diapir, donnent souvent des valeurs beaucoup plus faibles (de 0,05 à 0,1 mm par an). Cela n’exclut par des vitesses d’ascension supérieures, car ces estimations sont faites sur des séries salines sèches et froides. W. C. Gussow (1968) pense même que la mise en place de certains diapirs peut être considérée comme un événement catastrophique dans le cas où le départ est induit par l’apparition de l’état plastique vers 300 0C. L’ascension des dômes dans une série sédimentaire engendre, à leur voisinage, des structures favorables au piégeage des hydrocarbures. Des brèches se développent très fréquemment au contact des terrains encaissants et des dômes; au sommet de ceux-ci, des dissolutions fournissent des éléments résiduels qui s’ajoutent aux brèches pour constituer une carapace, le cap rock .Les plis diapirsLa plasticité des roches salines leur confère un rôle fondamental en tectonique, et les noyaux dysharmoniques de failles-plis ou d’anticlinaux de couverture évoluent souvent en plis déversés à noyau perçant, les plis diapirs (fig. 5). Ces anticlinaux à cœur éjectif peuvent prendre des formes très variées, car la présence d’un complexe plastique facilite l’écaillage des flancs ainsi que les glissements. Dans ce cas, c’est la contrainte tectonique qui est le facteur de l’accumulation puis de l’éjection des sels. F. Trusheim appelle «halotectonique» l’ensemble des processus générateurs de ce type de structures.Il est évident que des interférences entre dômes et plis diapirs peuvent se produire, et certaines structures résultent du plissement d’une série dans laquelle une famille de diapirs s’était mise en place précédemment: les diapirs jouent un rôle majeur dans une telle phase orogénique en facilitant la naissance de contacts anormaux ou en fournissant la semelle de chevauchements importants. On comprendra alors les problèmes chronologiques épineux que posent ces formations souvent pauvres en fossiles: l’étude des séries salines est jalonnée d’erreurs considérables sur leur attribution stratigraphique, mais des recherches régionales précises et l’utilisation de techniques minéralogiques permettant de définir les conditions physico-chimiques de genèse de certains minéraux apportent des informations précieuses qui conduisent souvent à situer, avec justesse, ces formations vagabondes.
Encyclopédie Universelle. 2012.